La statistique officielle veut faire croire à une exception : moins d’un enfant sur cent se voit attribuer un syndrome de dysfonction non-verbale en France. Pourtant, derrière ce chiffre, une réalité autrement plus vaste se dessine. Les difficultés à comprendre les émotions ou à saisir le sens caché d’une conversation sont loin d’épargner la majorité. Dans les familles, le repérage précoce reste rarissime, alors même que ces troubles s’invitent dans la vie de classe, dans le quotidien à la maison, bousculant tout sur leur passage.
Pour de nombreux parents, les réactions de leur enfant déstabilisent. On pense à de la timidité, à une crise de l’âge, parfois à un manque d’effort. Il arrive que les adultes ne perçoivent qu’un refus d’obéir, ou une absence d’envie. Pourtant, il existe des moyens concrets, parfois très simples, pour améliorer la communication familiale et aider l’enfant à dire ce qu’il ressent ou ce dont il a besoin.
Le syndrome de dysfonction non-verbale : mieux comprendre ce trouble souvent méconnu
Le syndrome de dysfonction non-verbale appartient à la famille des troubles du neurodéveloppement les plus discrets, mais aussi les plus déconcertants. On l’a longtemps ignoré, parce que les enfants concernés parlent bien, semblent à l’aise avec les mots. Pourtant, ils se heurtent à un mur invisible : celui des codes sociaux et de la communication non verbale. À l’école, ces élèves comprennent les consignes orales, suivent les histoires, mais trébuchent dès qu’il s’agit de lire un geste, de saisir une nuance dans la voix, d’interpréter un sourire ou un haussement de sourcils.
Au quotidien, ces enfants rencontrent des obstacles là où d’autres passent sans s’en rendre compte. L’implicite leur échappe. Ils n’entendent pas l’ironie, prennent tout au pied de la lettre, ou réagissent de façon décalée dans les discussions de groupe. On les croit distraits ou désintéressés, alors que leur difficulté reste invisible jusqu’à ce que les complications s’accumulent, notamment en milieu scolaire.
Voici quelques signes concrets qui peuvent vous alerter :
- Retards dans la maîtrise de l’espace ou la conscience du schéma corporel
- Difficultés à s’organiser ou à devenir autonome à l’école
- Maladresse dans les jeux de groupe ou lors des activités collectives
Le centre de référence des troubles du langage de l’hôpital Robert-Debré évoque souvent la complexité de ce trouble. Sa visibilité demeure faible, alors même qu’il influence l’accès au savoir et la façon de tisser des liens. Pour ces enfants, chaque dialogue devient une épreuve, un terrain glissant où l’expression et la compréhension restent constamment en décalage.
Quels signes doivent alerter les parents ? Repérer la souffrance derrière le silence
Détecter le mal-être d’un enfant en souffrance tient parfois de la haute voltige. Un enfant discret ou silencieux ne va pas forcément bien. Quand la tristesse dure, quand les colères éclatent sans raison, ou que la communication se ferme, il y a souvent une tension qui cherche à se dire autrement. Certains enfants s’isolent, d’autres manifestent leur malaise par des crises qui surprennent tout le monde, ou au contraire, restent figés dans le silence.
Le changement de comportement doit alerter. L’enfant jusque-là vif devient distant. Une fillette enjouée se replie, fuit les échanges, s’enferme dans une routine rassurante. Les adultes se sentent démunis. Le sommeil se dérègle, l’appétit devient capricieux. Les notes chutent, les absences se multiplient.
Voici des situations qui doivent attirer l’attention :
- Déclenchement de crises de colère soudaines et sans cause évidente
- Isolement persistant lors des récréations
- Retrait pendant les repas ou lors des temps partagés en famille
- Refus d’aller à l’école ou plaintes physiques à répétition
Face à ces manifestations, la vigilance familiale fait toute la différence. Un enfant qui ne sait pas mettre de mots sur ce qu’il vit peut le dire par son corps : douleurs, migraines, agitation, ou au contraire, grande fatigue. La santé psychique des plus jeunes mérite une attention réelle, ni dramatisation, ni banalisation. Même maladroite, une tentative de dialogue peut ouvrir une brèche et permettre à l’enfant de sentir que sa souffrance est entendue.
Des pistes concrètes pour encourager l’expression émotionnelle chez l’enfant
Instaurer un climat de confiance, c’est donner à l’enfant l’espace pour exprimer ce qui le traverse. Cela ne passe pas toujours par de grands discours. Un moment ritualisé en fin de journée, une marche côte à côte, ou un simple instant de silence partagé, chaque parent ou éducateur peut offrir ce terrain d’écoute. Mettre des mots sur les émotions, c’est déjà donner la possibilité à l’enfant de mieux comprendre ce qui se passe en lui.
Les professionnels spécialisés dans l’accompagnement émotionnel, comme ceux de l’hôpital Robert Debré, recommandent notamment la lecture de livres adaptés à l’âge de l’enfant pour l’aider à mieux identifier ce qu’il ressent. Des albums jeunesse abordent la colère, la tristesse ou la peur, et aident à verbaliser. Le jeu de rôle, l’expression artistique ou simplement dessiner constituent également des supports précieux pour libérer la parole des enfants en difficulté.
Voici quelques leviers à actionner pour favoriser cette expression :
- Mettre en place des moments d’expression libre : journal intime, boîte à mots, marionnettes ou jeux symboliques.
- Pratiquer l’écoute attentive, sans forcer la parole ni interpréter trop vite ce que l’enfant exprime.
- Développer les compétences sociales en abordant la gestion des conflits et l’entraide.
La régularité dans les échanges, la capacité à repérer les petits signaux au fil des jours, ont souvent plus de poids que de longues conversations programmées. Certains enseignants instaurent des temps dédiés à la parole sur les émotions, ce qui soutient à la fois l’apprentissage et la cohésion du groupe. Avancer sans brusquer, en respectant le rythme propre à chaque enfant, permet de renforcer ses ressources intérieures.
Quand et comment demander de l’aide : accompagner son enfant vers un mieux-être
Le repérage ne s’arrête pas aux mots. Un regard vide, des silences inhabituels, des crises qui reviennent ou une lassitude qui s’installe doivent pousser à la vigilance. Les parents oscillent parfois entre inquiétude et attente, espérant que la tempête passe d’elle-même. Mais quand les difficultés à la maison ou à l’école deviennent persistantes, quand le dialogue se grippe, il faut envisager un accompagnement professionnel.
Solliciter une aide extérieure, ce n’est ni baisser les bras ni perdre sa place de parent. C’est offrir à l’enfant un espace de sécurité, où il pourra se sentir compris et soutenu. Les équipes pluridisciplinaires de l’hôpital Robert Debré, en collaboration avec l’école, mettent en place différents dispositifs d’écoute et de soutien pour répondre aux situations singulières de chaque famille. La santé mentale des enfants est prise en compte avec un accompagnement progressif, qui peut inclure : entretiens avec un psychologue, ateliers thérapeutiques, médiations dans le cadre scolaire.
Pour agir au mieux, plusieurs démarches sont à privilégier :
- Prendre rendez-vous dès que les difficultés persistent et s’installent.
- Entretenir un dialogue régulier avec les enseignants et les professionnels de santé.
- Utiliser les ressources de proximité : centre médico-psychologique, réseau de parents, associations spécialisées.
Un repérage rapide et une intervention adaptée permettent d’éviter que l’enfant ne s’isole ou perde confiance. À la maison comme à l’école, c’est l’attention portée à ces fragilités qui permet d’ouvrir la voie à une reconstruction, et laisse entrevoir une respiration nouvelle dans le quotidien familial.


