Premier bisou : à quel âge l’enfant devrait-il avoir son premier contact amoureux ?

145 pays : c’est le nombre recensé par l’Unicef où le baiser sur la bouche entre parents et enfants existe sans que personne n’y voie un geste déplacé. Pourtant, dans bien des familles, la question du « premier bisou » chez l’enfant soulève des débats qui dépassent la sphère privée. Faut-il s’en inquiéter ? Laisser faire, ou intervenir ?

Aucun texte scientifique n’impose une date précise pour les premiers élans amoureux chez un enfant. Les données disponibles montrent surtout que tout dépend du contexte culturel, du cadre familial et du caractère propre à chaque petit.

Certains enfants s’attachent très tôt par des gestes concrets, alors que d’autres préfèrent l’observation à distance. Les spécialistes de la petite enfance s’accordent : le cheminement affectif ne se range pas dans une case, il suit les besoins d’attachement et s’inscrit dans la trame de chaque histoire familiale.

Le développement affectif du jeune enfant : comprendre les premières étapes

Tout démarre dès la naissance, et c’est le contact physique qui pose la première pierre. Un nourrisson réclame la chaleur, la proximité, la sécurité des bras. Avant même que les mots ne surgissent, il se raconte par des regards, des gestes, des ébauches de câlins. Vers deux mois, les sourires se dessinent, les bras s’ouvrent, l’enfant répond déjà à la présence adulte en anticipant ses gestes.

Autour de cinq à six mois, poser sa tête sur l’épaule devient possible : un signe qui, derrière sa simplicité, révèle l’installation d’une sécurité affective. Les neurosciences ont mis en évidence que ces moments de tendresse activent la production d’ocytocine, cette fameuse hormone dite du bonheur, qui tisse les liens et nourrit la croissance émotionnelle. La répétition des gestes rassurants, la constance de la présence parentale, ancrent des repères solides pour apprendre à nommer ses émotions et apaiser les tensions.

Par la suite, à partir de huit mois, l’enfant affine son imitation. Il tente des bisous incertains, puis, entre douze et dix-huit mois, il expérimente le bisou volontaire. Avant de savoir parler, il montre, fait coucou, mime ce qu’il voit : l’apprentissage relationnel s’opère d’abord par le corps.

Impossible d’occulter le rôle du cercle familial. L’enfant s’imprègne du modèle parental : un baiser sur la joue, une étreinte, la douceur d’une voix suffisent à bâtir le canevas de l’attachement. La qualité de ces échanges, plus que leur fréquence, façonne la confiance, la capacité à exprimer ses émotions, l’empathie future.

À quel âge apparaissent câlins, bisous et premiers gestes d’affection ?

Les gestes d’affection ne tardent pas à se manifester. Vers cinq mois, l’enfant pose sa tête contre l’adulte : ce mouvement, loin d’être anodin, marque le début d’une relation authentique. Avant d’articuler le moindre mot, il communique déjà par le corps. Ce contact, souvent perçu comme un simple réflexe, correspond aux premiers vrais câlins.

Aux alentours de huit à dix mois, l’imitation prend le pas : l’enfant observe, tente d’imiter le bisou vu chez ses parents, parfois sur la bouche, parfois sur la joue. Il s’agit d’expérimentations, menées plus par mimétisme que par intention claire. Ensuite, entre douze et dix-huit mois, la motricité se précise et le bisou volontaire apparaît, jusqu’au fameux « bisou soufflé », symbole d’une compréhension naissante des codes sociaux.

Pour illustrer cette progression, voici, étape par étape, comment les gestes évoluent :

  • À partir de 5 mois : rapprochement instinctif, tête posée sur l’épaule
  • Entre 8 et 10 mois : premiers bisous maladroits par imitation
  • De 12 à 18 mois : bisous intentionnels, sur la joue ou la bouche, et bisous soufflés

L’exemple des adultes reste déterminant. L’enfant reproduit ce qu’il voit, s’approprie les gestes d’affection observés au quotidien. L’attention, la disponibilité, la façon dont l’adulte pose des repères, influent durablement sur la construction du lien affectif et sur le sentiment de sécurité intérieure.

Décrypter le sens des contacts affectifs chez les tout-petits

Chez le jeune enfant, les gestes d’attachement n’ont pas qu’une seule signification. Un bisou sur la joue, un élan vers la bouche, peuvent à la fois signifier la recherche de tendresse, l’imitation ou la simple exploration des frontières. Avant six ans, il n’existe pas de ligne de démarcation nette entre amitié, attachement et premiers émois : tout se mélange, se construit, parfois se confond.

À partir de trois ans, les manifestations d’affection prennent des formes variées : étreintes, caresses, embrassades. Le bisou sur la bouche, dans la sphère familiale, suscite d’ailleurs des discussions. Des professionnels tels que la psychanalyste Valérie Sengler mettent en garde : un tel geste pourrait brouiller les repères, car il appartient, selon eux, à l’intimité amoureuse et non à la sphère parentale. Cela s’avère particulièrement sensible durant la phase œdipienne, généralement entre quatre et six ans, où l’enfant cherche à séduire le parent du sexe opposé. Mieux vaut alors poser des limites claires, qui permettent à l’enfant de différencier intimité familiale et amour réservé aux adultes.

L’exploration corporelle, fréquente autour de quatre ou cinq ans, se traduit par des jeux partagés : bisou, main dans la main, regards insistants. Ces gestes, à condition qu’ils soient spontanés et consentis, participent à la découverte de soi et d’autrui. Edwige Egger-Havet, psychologue, rappelle l’importance de laisser l’enfant vivre ces moments sans culpabilité, tout en restant vigilant et bienveillant. Accompagner sans surveiller à l’excès, observer sans juger : voilà l’équilibre à rechercher pour permettre à l’enfant de tisser des liens affectifs en toute sécurité.

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Parents : comment accompagner sereinement l’éveil affectif de votre enfant ?

Il n’y a pas de mode d’emploi universel pour l’éveil affectif. Chaque enfant avance à son propre rythme, influencé par l’exemple de ses proches, la solidité des liens tissés et la confiance partagée. Le rôle parental est central : prêter attention aux signaux de l’enfant, répondre à ses besoins de tendresse, mais aussi poser des repères adaptés, tout cela façonne l’espace où il apprivoise ses émotions.

L’idéal se situe dans une juste mesure : disponibilité, respect de l’intimité, gestes tendres et paroles rassurantes soutiennent la sécurité émotionnelle, véritable socle pour grandir sereinement. Si votre enfant demande un bisou, qu’il soit sur la joue ou ailleurs, il est utile de donner un sens à ce geste. Certains, comme Valérie Sengler, conseillent d’éviter le bisou sur la bouche, afin de préserver des repères stables et d’éviter la confusion liée à la période œdipienne.

Au fil des découvertes, de la curiosité des premiers mois jusqu’à la phase œdipienne vers six ans, il s’agit d’expliquer simplement que certains gestes sont réservés aux amoureux, d’autres à la famille. Edwige Egger-Havet, psychologue, souligne que laisser l’enfant explorer ses sentiments, sans honte ni interdits excessifs, favorise l’émergence de l’empathie et l’estime de soi.

Pour accompagner sereinement votre enfant dans cette exploration, quelques repères concrets peuvent aider :

  • Accompagnez l’enfant dans la découverte de ses émotions.
  • Formulez des règles claires, adaptées à l’âge et au contexte.
  • Écoutez ses questions sur la tendresse et l’amour, sans tabou.

Ce n’est pas la quantité de gestes tendres qui compte, mais la qualité du lien construit jour après jour. Sur ce terrain, la confiance se cultive et prépare l’enfant à vivre ses premiers émois amoureux avec discernement et sérénité. Le premier bisou n’est jamais le même d’un enfant à l’autre, et c’est tant mieux : c’est là que commence l’apprentissage de la liberté d’aimer.