La loi française ne reconnaît pas la kafala comme une adoption au sens juridique. Cette particularité confronte de nombreuses familles à des démarches administratives complexes, notamment lorsqu’il s’agit d’obtenir la nationalité ou des droits de succession pour l’enfant recueilli.
En France, l’adoption permet une filiation complète, effaçant les liens avec la famille biologique, tandis que la kafala organise une tutelle sans rupture des origines. Ces distinctions entraînent des conséquences concrètes sur le statut de l’enfant, l’autorité parentale et l’accès aux prestations sociales. Les familles musulmanes font face à des choix structurants, parfois méconnus, aux implications durables.
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Adoption et kafala : deux démarches différentes, souvent confondues
Adoption ou kafala : derrière la ressemblance des mots, deux réalités qui ne se croisent jamais. En France, adopter, qu’il s’agisse d’une adoption simple ou plénière, revient à établir une filiation complète. L’enfant entre alors de plein droit dans la famille de l’adoptant, héritant du nom, de la nationalité, des droits successoraux. La procédure, strictement encadrée, passe par le conseil de famille, le juge, les services sociaux, et aboutit à un véritable changement de statut pour l’enfant.
La kafala judiciaire, elle, fonctionne autrement. Pratiquée dans plusieurs pays musulmans, elle n’efface rien : l’enfant garde ses origines, sa filiation, son identité civile. Le « kafil » s’engage à élever l’enfant, à assurer son bien-être, sans pour autant devenir parent au sens légal. Aucune transmission automatique de droits, aucun effacement du passé. En France, la kafala n’ouvre pas la porte à l’adoption plénière, la loi l’interdit dès que la filiation de l’enfant est connue.
Pour mieux visualiser, voici les différences principales entre adoption plénière et kafala :
| Démarche | Lien de filiation | Droits successoraux | Reconnaissance en France |
|---|---|---|---|
| Adoption plénière | Oui | Oui | Oui |
| Kafala judiciaire | Non | Non (sauf testament) | Non assimilée à l’adoption |
Prendre la kafala pour une adoption, c’est risquer des impasses juridiques et administratives. Les familles ont tout intérêt à cerner précisément les contours de chaque dispositif, à anticiper les conséquences concrètes pour l’enfant comme pour leur projet familial. Le droit français ne laisse aucune place à l’improvisation.
Est-ce haram d’adopter un orphelin ? Ce que disent les sources et les savants
La question du statut religieux de l’adoption d’orphelin occupe les esprits bien au-delà du cercle des spécialistes. Le Coran insiste à plusieurs reprises sur la nécessité de protéger les orphelins, de veiller à leur éducation, à leur sécurité matérielle et morale. Mais le modèle d’adoption à la française, qui efface la filiation d’origine, ne correspond pas à la conception islamique.
Le verset 4:6 du Coran demande aux croyants de traiter les orphelins avec la plus grande bienveillance, d’administrer loyalement leurs biens. D’autres passages, notamment dans la sourate 33, rappellent que l’adoption qui couperait l’enfant de ses parents biologiques, notamment par le changement de nom, ne peut être admise. L’enfant accueilli doit conserver son identité, son nom d’origine. La kafala, qui organise une prise en charge sans créer de nouvelle filiation, s’inscrit dans cette logique.
Les savants contemporains sont unanimes : prendre sous son aile un orphelin, subvenir à ses besoins, lui offrir protection et éducation, constitue une grande noblesse morale et une source de récompenses spirituelles. Le Prophète a d’ailleurs souligné la proximité, au Paradis, de ceux qui prennent soin des orphelins. La question ne porte pas sur l’accueil, mais sur le respect de la filiation et de l’identité de l’enfant : il s’agit d’éviter l’assimilation totale à l’enfant biologique, notamment dans les questions de nom et d’héritage.
Retenons les points suivants pour mieux comprendre la position islamique :
- Le recueil d’un orphelin est encouragé et valorisé.
- Rompred la filiation biologique (adoption plénière) n’est pas permis.
- La kafala permet un accueil complet sans modification de l’identité civile.
La majorité des fatwas et avis juridiques insistent sur cette nuance : accueillir un orphelin, oui, mais sans brouiller les repères de filiation. La solidarité envers les plus fragiles reste fortement encouragée, à condition de rester fidèle au cadre religieux.
Le cadre légal en France : quelles implications pour les familles musulmanes ?
Le droit français trace une ligne claire entre adoption et kafala. L’adoption plénière, irréversible, remplace complètement la filiation d’origine et attribue à l’enfant un nouveau statut familial. Ce modèle ne peut satisfaire les familles musulmanes attachées au respect de l’identité de l’enfant. La kafala judiciaire, quant à elle, s’apparente davantage à une tutelle : la famille accueille l’enfant, l’élève, le protège, tout en préservant ses liens biologiques et son identité d’origine.
Les familles musulmanes qui souhaitent accueillir un enfant issu de pays où la kafala prévaut doivent composer avec deux exigences. Sur le plan religieux, le cadre de la kafala s’impose. Sur le plan juridique, la France ne reconnaît pas la kafala comme une adoption, limitant d’emblée l’accès à certains droits : nationalité française, droits successoraux, statut complet d’enfant adoptif.
Voici les implications concrètes à connaître :
- La kafala est une mesure de protection de l’enfance, pas une adoption au sens du droit français.
- L’enfant recueilli n’a pas les mêmes droits qu’un enfant adopté selon le droit français.
- L’accueil sous kafala nécessite l’accord des autorités compétentes françaises.
Ce contexte génère des démarches parfois longues et complexes, surtout pour les familles musulmanes installées en France. Il faut jongler entre les exigences du droit et les principes religieux, et rester particulièrement attentif lors des échanges avec les conseils de famille et les administrations.
Ressources, conseils et accompagnement pour bien vivre son projet d’accueil
Choisir d’accueillir un orphelin demande réflexion et préparation, tant sur le plan moral que pratique. Pour celles et ceux qui se tournent vers la kafala ou qui souhaitent accompagner un enfant dans le respect du droit français, il existe de nombreux soutiens souvent peu connus.
Les associations humanitaires et certaines ONG spécialisées offrent un accompagnement sur mesure : écoute, médiation, conseils. Elles facilitent le dialogue avec les autorités compétentes et informent sur les droits de l’enfant recueilli. Parfois, le conseil de famille guide les démarches, depuis la constitution du dossier jusqu’à l’intégration au quotidien.
Pour réussir cette démarche, plusieurs pistes peuvent être explorées :
- Solliciter un juriste ou un travailleur social connaissant les spécificités de la kafala et de l’accueil familial.
- Rencontrer des familles ayant déjà traversé ce parcours : leurs témoignages éclairent les réalités administratives et les défis du quotidien.
- Accéder aux dispositifs de soutien psychologique, utiles tant pour l’enfant que pour la famille d’accueil.
Pour beaucoup, soutenir un orphelin répond à une motivation religieuse profonde. La zakat ou la sadaqa jariyah permettent de contribuer à la protection et à l’éducation de ces enfants, même en dehors d’un accueil direct. Des collectifs s’organisent pour offrir un accompagnement matériel ou moral, rappelant la dimension collective de la solidarité envers les orphelins.
Rester bien informé fait souvent la différence. Ateliers, permanences, conférences proposés par des associations musulmanes permettent d’éclairer les familles, de répondre aux questions et de sécuriser chaque projet, au cas par cas.
Accueillir un orphelin, c’est écrire une page nouvelle pour un enfant, mais aussi pour une famille entière, avec ses joies, ses questions, ses responsabilités. Les démarches sont parfois ardues, le chemin complexe, mais le sens de cet engagement, lui, ne se démode jamais.


